[Interview] L'Ghiwane: ''Nous voulions changer le monde, mais le monde nous a changés''


Nass El Ghiwane poursuivent leur traversée des âges. Le groupe marocain le plus adulé nous revient avec un nouvel album, « Nehla Chama », et une tournée qui passera par l'Olympia. Rencontre avec Omar Sayed, légende vivante de cette formation hors-norme.




Pourquoi « Nehla Chama »?
« Nehla Chama » est tiré d'un poème, « L'abeille », de Thaami El Mdaghri trouvé dans un ouvrage de Mohamed Al Fassi qui s'intéresse beaucoup au patrimoine littéraire marocain. Ce poème m'a aussi interpellé parce qu'il se trouve que, près de chez moi, Derb Moulay Chrif, il existe une fontaine qui se nomme Chama et qui est un lieu de mémoire, lié à la résistance durant l'indépendance.
Nehla Chama raconte l'histoire d'une reine des abeilles qui se présente chez un Sultan pour lui souffler que les informations rapportées par les ministres, selon lesquelles tout va bien dans le pays, sont un mensonge. Elle lui apprend que rien ne va dans le pays, contrairement au royaume des abeilles où chaque ministre accomplit sa tâche. Ce conte revête en fait la forme d'une critique politique.


Le mythe l'Ghiwane n'est pas parfois lourd à porter ?


L'Ghiwane n'est pas un mythe. Nous sommes un simple produit de la société marocaine. L'Ghiwane n'ont fait que chanter ce que l'ils ressentaient. Jamais on a imaginé qu'un jour on nous présenterai comme un mythe ou une légende. L'Ghiwane c'est avant tout une histoire de ouled derb, une histoire d'amis qui habitaient derb Moulay Chrif à Hay Mohammédi et qui ont vécu, eux et leurs parents, venus de régions diverses, une


certaine forme de marginalisation durant et après l'indépendance. Nass Ghiwane n'ont fait que se nourrir d'un vécu qui transparaissait notamment dans les Hlaki que nous fréquentions.


Que réponds-tu au gens qui disent que l'Ghiwane c'est du passé ?
Ils ont raison. Mais tu sais, on annonce la fin des Ghiwane depuis qu'ils ont commencé…


Mais alors, dans quelle perspective inscrire ce nouvel album ?
Il faut le voir comme une nouvelle étape. Hamid et Rachid Batma ont apporté un nouveau souffle à la formation. Malgré mes idées et tout ce que j'incarne, jamais le groupe n'aurait pu être relancé sans eux.


Qu'est ce qui a changé dans l'esprit l'Ghiwane ?
Notre histoire, à Boujmiî, Larbi Batama et moi, me rappelle l'histoire des trois principaux personnages du film italien, « Nous nous sommes tant aimés », d'Ettore Scola, qui raconte l'histoire de trois amis qui ont voulu changer le monde mais qui se rendent compte, quarante ans plus tard, que c'est le monde qui les a changés. C'est ce que je ressens : nous voulions changer le monde, mais le monde nous a changés.


Qu'est ce que tu penses de la scène alternative marocaine pour qui l'Ghiwane est un modèle dont elle s'inspire ?
Je vois ces jeunes comme les héritiers de Nass El Ghiwane. Leur travail et leur message s'inscrivent dans la continuité de celui de L'Ghiwane. Ils peuvent d'ailleurs me considérer comme leur « parrain ». Ceci dit, il faut leur offrir plus d'espace d'expression et ce, quels que soient leur genre musical ou leur langue: rap, français, darija, amazigh…


Crois-tu en un nouveau l'Ghiwane au Maroc ?
Pourquoi pas. Le Maroc est riche, combien d'artistes existent, mais sont inconnus et le seront peut être pour toujours…


Des projets ?
Jamais les Ghiwane n'ont tracé de plan préétabli, on s'est toujours laisser guider au gré des tournées, des enregistrements… sans véritablement avoir de projet précis. Ceci étant, j'espère un jour voir aboutir un projet qui me tient à cœur, l'histoire des Ghiwane contée par Martin Scorsese.


DATES DE LA TOURNEE:
Le 30 mars à Casa (Mégarama) ; le 7 avril à Marrakach (Mégarama) ; le 18 mai à Paris (Olympia) ; en mai 2007 à Lille, Bruxelles et Barcelone .

Propos recueillis par Saïd Raïssi (Menara.ma)